Contre la logique du « chacun pour soi », l’Europe doit trouver la complémentarité entre ses puissances spatiales, notamment pour la défense, miser sur le programme spatial européen pour les activités scientifiques et commerciales et assumer sa quête de souveraineté.
Mercredi 12 novembre, le Président de la République a présenté la nouvelle stratégie spatiale française 2025-2040 et posé le constat que l’espace devenait un champ de bataille dont les implications sont immenses pour tous les théâtres d’opérations. Face à la nouvelle « guerre des étoiles », notre indépendance vis-à-vis des Etats-Unis - et en particulier de l’empire Musk - est une nécessité.
L’annonce d’un investissement de 16 milliards de l’État français d’euros à horizon 2030 est certes une bonne nouvelle, mais reste bien pâle en comparaison avec les 35 milliards annoncés par le Gouvernement allemand.
Avec 40 % des emplois du secteur spatial européen, la France est son moteur historique. Mais alors que l’Italie reprend les fusées Vega d’Arianespace et projette, comme l’Allemagne, de lancer sa propre constellation de satellites, nous devons éviter le piège d’une concurrence entre Européens.
Divisés, nous serons condamnés à regarder s’envoler SpaceX depuis Houston, chargée des satellites européens. Or, le lancement de Sentinel-1D à bord d’Ariane 6 début novembre nous a rappelé la source de fierté que représentent nos victoires communes.
La main tendue par la France à ses voisins pour faire collectivement d’Eutelsat-OneWeb l’avenir des constellations de satellites européennes va dans le bon sens. Dans le même temps, les contributions des États au budget de l’Agence spatiale européenne pour la période 2026-2028 est attendu en hausse de 30 %, soit 22 milliards d’euros.
L’Union européenne n’est pas en reste, alors que le prochain cadre financier pluriannuel doit créer un Fonds pour la compétitivité doté de 131 milliards pour « la sécurité, la défense, la résilience et l’espace ». Les plus optimistes espèrent jusqu’à 50 milliards de ce fonds dédié à la relance du programme spatial de l’UE, contre 15 milliards pour la période précédente.
Ce programme spatial s’appuie actuellement sur les programmes Galileo, Copernicus et Iris² pour l’observation terrestre, la navigation satellite et les communications sécurisées. Il devrait aussi permettre la diversification de nos lanceurs, alors que la fusée européenne est en crise depuis la fin de la coopération avec la Russie et les déboires d’Ariane 6.
Mais l’Europe a toutes les cartes en main, avec un savoir-faire industriel historique, et un écosystème dynamique et innovant de PME, le NewSpace.
Pour l’avenir, le programme spatial européen portera le développement des technologies quantiques[1]. La capacité de l’Europe à en être pionnière permettra de révolutionner la cybersécurité, la cryptographie, et les capacités de calcul embarquées, pour assurer notre sécurité et faire avancer la recherche fondamentale.
Alors que le rapport Draghi de 2024 critiquait l’éclatement de la gouvernance spatiale européenne, l’Union s’attelle à créer un marché unique du spatial pour faciliter la coopération européenne, aligner les treize lois nationales existantes et commencer à décarboner le secteur. C’est la future loi spatiale européenne.
En tant que rapporteur pour la Commission du Marché intérieur sur ce texte stratégique, je veillerai à ce qu’il assure la protection des européens face aux tendances prédatrices de SpaceX et des opérateurs chinois en embuscade.
Contre la logique du « chacun pour soi », l’Europe doit trouver la complémentarité entre ses puissances spatiales, notamment pour la défense, miser sur le programme spatial européen pour les activités scientifiques et commerciales et assumer sa quête de souveraineté.
François Kalfon
Député européen S&D
Vice-président de l’intergroupe « Ciel et espace » au Parlement européen
Rapporteur de la Commission du Marché intérieur sur la loi spatiale
[1] Voir la stratégie « Quantum Europe » : https://digital-strategy.ec.europa.eu/en/library/quantum-europe-strategy
Voir aussi
Communiqué - Présentation du Space Act : un pas sur le chemin d'une puissance spatiale européenne
Article - Salon du Bourget: à la rencontre de l'écosystème français
Article - Lancement d'Ariane 6 : la défense européenne jusque dans l'espace