Se rendre au contenu

Biométhane : une voie supplémentaire de décarbonation des transports

A l’occasion du Salon International de l’Agriculture j’ai rencontré les représentants des filières de méthanisation agricole, notamment France Mobilité Biogaz l’Association des Agriculteurs Méthaniseurs de France (AAMF) et GRDF.

Je souhaitais comprendre dans quelles conditions des résidus agricoles peuvent grâce à la méthanisation constituer une source d’énergie abondante et largement décarbonée, notamment pour un usage dans les transports comme les camions, au vu des limites du tout-électrique.


Pourquoi produire du biogaz ?


Le biogaz purifié, ou biométhane, produit 10 fois moins de carbone que le gaz naturel « fossile ». Ainsi, le total de gaz à effet de serre libéré par le biométhane est de 23,4 g de CO2 équivalent par kilowattheure, contre 227 g pour le gaz naturel fossile.

Ces différences s’expliquent par son mode de production : le biogaz est produit à partir de la méthanisation de matières organiques, ce qui permet de valoriser des déchets et de réduire les émissions directes dans l’atmosphère de CO2 et de méthane (CH4).  

Contrairement aux énergies fossiles, le biométhane produit de l’énergie avec du carbone capté récemment par la biomasse (plantes, résidus agricoles, biodéchets) et qui serait de toute façon relâché à court terme, tandis que le gaz fossile libère, lorsqu’on le brûle comme énergie, du carbone stocké depuis des millions d’années. Cette différence fait du biométhane une énergie renouvelable et un levier supplémentaire de la transition énergétique.

En cycle de vie, il est presque neutre pour le climat : il émet à la combustion l’essentiel du carbone qu’il a capté lors de sa production.

 

L’agriculteur, énergéticien de demain ?

 

Alors qu’on associe principalement l’agriculture à la production alimentaire, la méthanisation permet d’apporter une autre dimension à la profession. Devenant également producteurs d’énergie, des agriculteurs obtiennent un moyen supplémentaire de pérenniser leurs exploitations et maintenir leur équilibre économique, à condition de garantir les prix de vente du gaz produit.

Une étude de l’ADEME[1] a évalué le revenu additionnel pour un agriculteur à 15 000 euros par an, pour un revenu agricole  alors estimé à 25 400 euros par an.

 

Remplacer complètement le gaz fossile à horizon 2050

 

En 2050, le biogaz devrait avoir remplacé complètement le gaz d’origine fossile. Ce serait un apport essentiel dans la bataille de la décarbonation : alors que 800 méthaniseurs de toutes tailles sont aujourd’hui en activité en France, on estime qu’en 2050, 8 000 pourraient être raccordés au réseau de gaz.

On peut se poser la question de savoir si cette activité va entrer en conflit avec les usages agricoles. En effet, il convient de ne pas construire un modèle d’agro-business qui nuirait à notre modèle paysan. Heureusement, la règlementation française actuelle limite à 15 % la production agricole dédiée à la méthanisation[2] et la filière française affiche en pratique un volume de 6 à 8 %.[3]

 

Décarboner les transports

 

La décarbonation de nos moyens de transports passera par le développement de la filière biogaz. La moitié des bus urbains et un quart des bennes à ordures ménagères roulent aujourd’hui au bioGNV (gaz naturel pour véhicules).

Alors que certains constructeurs de poids lourd promettent une électrification complète des poids lourds, cette perspective semble aujourd’hui difficile à atteindre, du fait de l’autonomie limitée des batteries et de l’insuffisance du réseau de bornes de recharges.

Les projections de la filière de la mobilité au biogaz montrent que la part de la mobilité dans les consommations de biométhane restera stable autour de 20 % de la production à horizon 2030, le reste étant alloué aux autres usages.

Parmi les véhicules roulant au GNV en France, la part issue de biométhane était de 44 % en 2024. Les objectifs de la filière sont d’atteindre 100 % de BioGNV avant 2033. L'accomplissement de cet ambitieux objectif qui constituerait un grand pas dans la décarbonation des poids lourds.

De plus, en prenant en compte la totalité du cycle de vie du véhicule, du « berceau à la tombe »[4], le passage à des moteurs fonctionnant au bioGNV permettraient potentiellement une décarbonation plus importante que l’électrique. En effet, les émissions sur l’ensemble du cycle de vie d’un poids lourd électrique atteignent en moyenne 499 g d’équivalent CO² par km parcouru, contre 360 pour un même véhicule roulant au biogaz.[5]

Or, la Commission européenne ne comptabilise aujourd’hui que les quantités d’émissions « au pot d’échappement » des véhicules.

Une approche pragmatique de la décarbonation justifierait une révision du règlement européen 2024/1610, pour élargir la définition des véhicules zéro émission, et notamment exempter certains véhicules roulant au bioGNV de la législation, comme le service public urbain.

La clause de revoyure prévue en 2027 sera l’occasion d'avoir ce débat.

 

Le gaz, une affaire géopolitique

 

Enfin, rappelons que le gaz chauffe aujourd’hui 41 % des logements français et que nous importons près de 98 % du gaz naturel (fossile) que nous consommons. Avec l’objectif d’être autosuffisants en 2050, nous rendrons grand service à notre balance commerciale et à notre souveraineté, alors que nous importons un quart de notre gaz des États-Unis, presque autant du Qatar, et que le fournisseur historique de l’Europe est la Russie.

Dans la période, toute piste pouvant conduire à réduire notre dépendance de ces « partenaires » est la bienvenue. 


Références


Site du ministère de la Transition écologique, URL : https://www.ecologie.gouv.fr/politiques-publiques/biogaz

[1] https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/documents/22.02.2018%20NH-ADEME_Agriculture%20EnR%20CP_vdef.pdf

[2] Décret n° 2016-929 du 7 juillet 2016.

[3] GRDF, URL : https://www.grdf.fr/.

[4] C’est-à-dire comprenant les émissions liées à l’extraction et à la transformation des matières premières, la fabrication des composants, l’assemblage du véhicule, la production et la production du carburant ou de l’électricité, l’usage du véhicule, son entretien, ainsi que son recyclage et sa fin de vie.

[5] Energies Nouvelles, 2019, URL : https://www.mobiogaz.fr/wp-content/uploads/2019/11/2019.09-Rapport-IFPEN-ACV-bioGNV.pdf | Carbone 4, 2020 : URL : https://www.carbone4.com/files/wp-content/uploads/2020/12/Transport-Routier-Motorisations-Alternatives-Publication-Carbone-4.pdf.